- de la revue 'Le Monde Illustré' No. 3160, 13 juillet 1918
- 'Independance Day'
- Fête Nationale Américaine
4th of July à Paris, 1918
Qui aurait dit, au cours de cette magnifique journée du 4 juillet, que ce Paris, si vibrant d'enthousiasme, avec les foules innombrables qui parcouraient toutes les voies; avec ses maisons pavoisées, aux fenêtres garnies de monde, sur tout le parcours du défilé qui, à l'issue de la cérémonie patriotique de la place d'Iéna, s'est déroulé de ce point, jusqu'à la place de la Concorde, au milieu des acclamations et des ovations; qui aurait dit que c'était là cette ville que l'on s'efforce, en Allemagne, de représenter comme désertée par une population terrorisée et ne songeant plus qu'à fuir sous la constante menace des raids de « Gothas » et du bombardement formidable que, depuis de longues semaines, l'ennemi nous fait annoncer quotidiennement?
Le résultat de ce « bluff », on a pu en juger lorsque pour célébrer l'« Indépendance Day », la Fête Nationale américaine, devenue désormais notre seconde Fête nationale française, la population parisienne s'est levée en masse avec sa physionomie habituelle des journées de fête: son entrain, sa belle humeur, sa confiance inébranlable dans le succès et, surtout son désir de donner à la noble nation américaine, un témoignage éclatant de sa gratitude et de celle de la France toute entière, pour avoir décidé d'assurer le triomphe de nos armes, en venant se joindre à nos autres et si chers alliés, et en versant dans nos rangs, par millions, les nouveaux combattants qui bientôt nous aideront à établir le règne du droit et de la Liberté.
Quelle splendide fête ce fut là, et à quelles manifestations réconfortantes elle a donné lieu, lorsqu'en même temps qu'à Paris, ainsi que dans nos grandes villes françaises, on célébrait à New-York, et dans toutes les grandes cités des Etats-Unis, l'anniversaire de l'indépendance conquise par les citoyens du Nouveau-Monde qui ont passé les mers pour lutter à nos côtés et vaincre avec nous!
La cérémonie a eu lieu autour de la statue de Washington, dans ce quartier de Paris que, déjà depuis bien des années, à cause de la place où se trouve l'ambassade, on dénommait « le quartier des Etats-Unis », et qui méritera mieux que jamais cette désignation, puisque le nom universellement vénéré du président Wilson a été substitué sur les plaques indicatrices, à celui de la belle avenue, dite, auparavant du Trocadéro.
A gauche de la tribune officielle, se trouvait la musique de la garde républicaine; à droite, la musique américaine. Devant les musées Guimet et Galliera, décorés de trophées américains et français, on avait placé un grand nombre de glorieux blessés, tous porteurs de la fourragère, de la médaille militaire ou même de la Légion d'honneur; dans l'avenue, dont les fenêtres étaient très pavoisées, on avait également installé des bancs pour eux, afin qu'ils piennent une part bien légitime à cette fête.
En attendant les discours et le défilé, la foule a salué l'arrivée des personnages officiels. Accompagné de MM. Pams, Loucheur et Jeanneney, M. Clemenceau a été acclamé. L,e Président de la République a été accueilli par des applaudissements. Quant à l'anivée de M. Lloyd George, le premier ministre anglais, qui avait voulu allier l'hommage de la Grande-Bretagne à celui que la France rendait au peuple améiicain, elle a déchaîné une ovation enthousiaste. M. Clemenceau s'est avancé vers son collègue d'outie-Manche, et l'a embrassé avec effusion, aux ciis mille fois répétés de: Vive l'Amé- rique! Vive l'Angleterre! Un peu apiès les piemiets accents de « La Marseillaise », annonçaient le commencement de la cérémonie.
Cinq éloquents discouis ont été prononcés, par M. Chénoux, vice-président du Conseil municipal, se félicitant de l'occasion qui lui était fournie, d'associer la Ville de Paris à la fête solennelle de l'amitié indissoluble de la France et de l'Amérique; par M. Pichon, ministre des Affaites étrangères, proclamant les amitiés saciées nouées entre les adhérents de l'Entente, et saluant la vaillance des troupes américaines dont l'Allemagne a déjà éprouvé la résistance et l'intrépidité; par M. Antonin Dubost, président du Sénat, qui a salué en termes émus la grande nation américaine; par M. Paul Deschanel, président de la Chambre, qui a mis en opposition la barbarie allemande et l'idéal de paix et l'honneur des Alliés; par M. G. W. Sharp, enfin, ambassadeur des Etats-Unis, qui a remercié la France du touchant hommage rendu à l'illustre président de la République-Sur.
Et tout aussitôt après a commencé le défilé, offrant un inoubliable et merveilleux spectacle.
L'allure superbe des jeunes troupes américaines a été constamment admirée, et lorsque ont paru celles qui, déjà, ont reçu le baptême du feu, les combattants de Vaux, les vainqueurs de Cantigny, l'émotion a été indescriptible.
On a fêté aussi les admirables infirmières américaines à la crâne et souple démarche, ces vaillantes jeunes femmes qui ont, elles aussi, affronté les pélils des champs de bataille pour accomplir leur charitable mission. Et le long, aurait-on dit d'une tranchée glorieuse et infinie, dont les remblais étaient formés par des rangs pressés et inintenompus de foules enthousiasmées, les soldats d'Amérique et les troupes françaises qui leur faisaient escorte, donnaient déjà l'illusion du rêve qui se réalisera dans un avenir prochain: la rentrée des Alliés victorieux passant sous l'Arche triomphale.
Au lendemain de cette journée si particulièrement émouvante, la certitude est définitivement acquise que la force ne réussira point à opprimer le droit.
Elle est près d'être suivie de son effet la parole du président Wilson, puisque ses compatriotes ont franchi l'Océan pour nous aider à détruire le « pouvoir arbitraire qui peut troubler la paix du monde », et a établir « une organisation de paix, grâce à quoi les forces unies des nations libres feront échec à toute violation du Droit. » A. B.