de la revue 'La Grande Guerre du XXe Siecle' No. 11
'la Mort de Bruno Garibaldi'

Lettre de Notre Correspondant

Le lieutenant Bruno Garibaldi à droit
voir aussi - Les Funérailles de Bruno Garibaldi

 

Décembre 1914

Une lettre de l'Argonne au Corriere délla Sera, de Milan, apporte le récit émouvant de l'héroïque mort du petit-fils de Garibaldi, tombé en entraînant ses hommes:

Garibaldi, en redressant sa haute taille, donne l'ordre de l'assaut: « En. avant, mes enfants, nous sommes fils d'Italie; en avant pour la France! » Mille voix répondent: « Vive Garibaldi! Bravo Garibaldi! »

Le trompette Galli s'élance en sonnant la charge de toutes les forces de ses poumons, et les garibaldiens le suivent, se dirigeant contre les Allemands, commandés par Peppino Garibaldi, qui indique la routa avec sa badine.

Constant et Bruno Garibaldi, qui étaient avec le troisième bataillon de réserve, entendant sonner la charge, s'élancent ensemble; ils traversent le terrain découvert et sont déjà au moment de passer la ligne de la dernière tranchée française quand, autour de Constant Garibaldi, tombent blessés plusieurs soldats; Bruno, qui était à la tête de son peloton et d'une partie des hommes de la 6e compagnie, est blessé au bras. Il bande sa blessure et revient à la charge, suivi d'une cinquantaine d'hommes. Comme ses soldats, il porte un fusil. Mais tout de suite après, c'est une pluie de mitraille. Beaucoup d'hommes tombent. Deux projectiles frappent encore Bruno Garibaldi; ils entrent par le flanc gauche et sortent du côté opposé, sous l'aisselle. Bruno s'appuie contre un arbre, à côté d'un soldat blessé; il est mortellement pâle, et avec un filet de voix il dit à un soldat, qui cherche à l'aider:

- Je suis blessé; toujours en avant, enfants de Garibaldi! Au soldat Casali, qui s'élance pour le secourir, il répète:

- En avant! je ne peux plus marcher.

Et aux volontaires qui, sous la pluie de projectiles, se retournent et veulent aller à lui, il murmure:

- J'envoie un baiser à mon père, à ma mère et à tous mes frères. A côté de Bruno, tombe le soldat Landini, de la 8e compagnie. Les Allemands lui criaient de loin:

- Rendez-vous, Français, vous serez bien avec nous. Laiidini répondit:

- Merci, je suis Italien!....

Peppino et Ricciofti Garibaldi, après le combat, étaient ensemble quand arrive leur plus jeune frère Ezio qui dit que Constant le suit.

Ricciotti avait déjà appris de son frère Santé que Bruno était blessé, mais il ne le savait pas mort. Quand Peppino Garibaldi apprit la nouvelle de la mort de son frère, il témoigna d'une douleur indicible. « Pauvre Bruno! » s'écria-t-il, et pendant longtemps il ne dit plus un mot.

Il ordonna de rechercher le corps, et le lendemain ses frères allèrent à la découverte.

Ricciotti, poussant à l'extrême l'audace, réussit à voir de loin le cadavre, mais ne put l'emporter, empêché qu'il en était par le feu des Allemands.

Le corps de Bruno était étendu à quelques mètres seulement de cette partie de la tranchée ennemie qu'ils n'avaient pas pu reprendre. Alors Ricciotti décida de creuser un tunnel pour arriver jusque sous le corps. Vers 6 heures du soir, la petite galerie était parvenue sous le cadavre de Bruno. Le lieutenant Pattarino et le caporal Salgemma se chargèrent de le transporter.

Mais, quoique ce fût de nuit, à peine avaient-ils essayé de prendre le corps qu'ils furent visés par le feu des Allemands. Toutefois, ils réussirent à le soulever et à l'emporter.....

Après l'avoir enseveli, les frères de Bruno transportèrent le cercueil jusqu'au cimetière, où est la sépulture des soldats français morts jusque dans les premiers jours de décembre.

Un capitaine, qui est prêtre, revêtit les vêtements sacerdotaux et donna la bénédiction. Le générai français Gouraud a prononcé l'oraison funèbre.

Ricciotti a dit ensuite quelques paroles de remerciement, puis. Peppino a pris une poignée de terre humide et a dit aux soldats;

Suivant notre antique et pieuse coutume, prenons à pleine main cette terre et répandons-la sur ce cercueil pour que ce germe soit fécondé. Deux vaillants reposeront désormais pour l'éternité sous les arbres de cette forêt qui a vu pour la première fois verser le sang de la nouvelle légion garibaldienne pour la France. Bruno Garibaldi avait vingt-six ans.....

'Temps', 3 janv. 1915

Back to French Articles

Back to Index