de la revue ‘Lecture Pour Tous’, 1 janvier 1916
'le Général Hiver en Montagne'

La Froide au Champs de Bataille

 

C’est en montagne que l'hiver crée aux armées les plus terribles difficultés, opposant à leurs mouvements des obstacles parfois insurmontables. On imagine ce que peuvent être, à deux ou trois mille mètres d'altitude, des combats sur des pentes neigeuses ou des cimes glacées. Honneur donc à nos vaillants chasseurs alpins, comme à nos alliés italiens et serbes, qui n'ont pas seulement à subir l'effort meurtrier de l'artillerie ennemie, mais doivent encore combattre contre le froid, la neige, l'avalanche, la tourmente, ces redoutables auxiliaires du général Hiver!

 

Songez-vous à ce que doit être la vie de nos « poilus » héroïques, durant ces affreuses journées de neige, de vent glacé et de gel? Dans les tranchées on ne souffre pas trop exagérément de ces redoutables intempéries. Mais nos « diables bleus » qui se battent dans les Vosges à plus de 800 mètres d'altitude, mais leurs frères d'Italie cramponnés au\ hautes cimes des Alpes, et les Serbo-Monténégrins qui défendent avec l'admirable acharnement que l'on sait leur âpre pays de montagnes, et nos alliés russes enfin dont les tranchées suivent les sinuosités est des hauteurs de l'Asie Mineure! Si le général Hiver a contribué à arrêter la formidable offensive austro-allemande sur le front oriental, avant que cette dernière ait pu songer à obtenir des résultats décisifs, il ne l'uut pas oublier que dès octobre, novembre au plus tard suivant l'altitude, le même général Hiver établit inexorablement ses quartiers généraux, en nos climats, sur tous les sommets recouverts de neige.

En 1800, au général Dumas, chef d'état-major de Macdonald, qui attirait son attention sur les énormes difficultés qu'aurait à vaincre l'armée des Grisons pour se porter en décembre sur Chiavenna par le col du Spluegen, Napoléon répondit: « Une armée passe où deux hommes peuvent poser le pied. » Cette parole du grand capitaine est corroborée par de nombreux exemples d'opérations de guerre dans la montagne l'hiver; il était donc prouvé et la guerre actuelle confirme que l'hiver n'a jamais présente en montagne un, obstacle insurmontable. Mais il est indéniable que la mauvaise saison accumule les difficultés. Demandons-nous quelles sont celles-ci et comment on peut les vaincre.

 

 

Dans le Froid et dans la Neige

Le froid produit congélations et congestions: que de pieds gelés dans les Vosges, l'hiver dernier que de congestions pulmonaires! Mais en outre, il crée toutes sortes d'obstacles. Les boissons emportées par les hommes, eau, vin, café ou thé, gèlent dans les bidons: puis l'approvisionnement en eau devient difficile, car, sous l'action du froid dans la haute vallée, presque toutes les sources tarissent, les puits sont gelés, les wiigons-citernes ou les voitures-barriques n'apportent que des blocs de glace, circonstances d'autant plus fâcheuses qu'il faut énormément d'eau à nos soldats, le froid augmentant la soif et ne diminuant pas le besoin d'eau pour le café et la cuisine, pour la toilette et la lessive. La capacité de cantonnement est considérablement réduite, les écuries étant occupées par le bétail qui a quitté le pâturage ou l'alpage. Souvent il y a pénurie de bois pour se chauffer.

Stratégiquement, l'action du froid réduit le nombre des voies de communication, en provoquant des amoncellements de glace qui s'étendent parfois sur de grandes longueurs, interceptant tout passage aux mulets comme aux hommes, particulièrement sur les chemins et routes à. flanc de pente. Que de déblaiements à la pioche, et quels retards en perspective!

Si la neige a moins d'inconvénients physiologiques que le froid, elle est stratégiquement, sous toutes ses formes, l'obstacle le plus sérieux qu'une armée puisse rencontrer en montagne.

Dure ou molle, elle diminue dans des proportions considérables la vitesse de marche pour la troupe et les animaux de bât. Quant aux voitures toujours lourdement chargées, quant aux autos-camions, elle retarde leur marche dans une mesure encore plus forte. Ainsi un auto-camion qui, en été, grimpera allègrement une route accusant une inclinaison moyenne de 9 a n pour 100, ne pourra plus y circuler avec 10 centimètres de neige; avec ao centimètres il se verra arrêté par une pente de 6 à 8 pour 100.

Sur les chemins et sentiers, quand la neige n'est pas tassée, le ralentissement d'une colonne en marche peut atteindre de 33 à 50 pour 100; si l'épaisseur atteint 40 centimètres, il ne faut plus compter pouvoir y faire passer des mulets chargés.

Le plus grave danger auquel les troupes sont exposées en montagne c'est sans contredit l'avalanche. Danger d'autant plus grand qu'il est plus imprévu et plus inattendu; la colonne marche, tout va bien, la neige est molle, on est en confiance absolue, tout à coup un premier craquement, de violentes et sourdes létonations, toute la masse neigeuse glisse et s'écroule, le détachement disparaît, englouti dans un cataclysme soudain.

A la fin de septembre 1915, dans la zone entre l'Ortler et le Monte Cevedale, les Italiens s'étaient emparés d'une cime à 3 250 mètres d'altitude, Voici comment un sous-officier raconte la façon dont s'est effectuée la relève de son détachement vainqueur: « Après le rapide combat qui nous rendait maîtres de la position au sud de Konigsspitze, nous n'en étions pas plus fiers pour cela. Figurez-vous un gigantesque cône de roches dures, entouré partout à sa base de glaciers. Les pentes abruptes étaient recouvertes çà et là de larges plaques de neige durcie, et le roc était par moments tout enduit de glace. Au sommet, nous étions arrivés quarante. Vingt et un camarades avaient été tués ou blessés pendant l'escalade. Sur ce sommet dénudé et recouvert de plusieurs mètres de neige durcie il y avait juste la place indispensable pour tenir, serrés les uns contre les autres. Nous étions épuisés.

« Du col, 400 mètres plus bas, une demi-section reçut l'ordre de nous relever.

« C'est avec la plus grande joie que nous cédâmes la place aux camarades, qui, munis d'outils, allaient essayer de rendre l'endroit tenable. « Nous nous attachâmes donc pour redescendre et rejoindre notre compagnie.

« Je marchais en tête avec Guiseppe Turello et Beppo Fondamine, deux guides célèbres avant la guerre.

« Les deux montagnards, étaient mécontents. Pour redescendre nous suivions la voie la plus facile, marchant ainsi dans les traces fraîches laissées par la relève en montant: « La neige est mauvaise, elle repose « à même la glace, et ces gredins-là n'ont pas taillé leurs marches assez profondement! — Bah! on s'en tirera! — Vous allez voir, sergent! quarante hommes, cela pèse! Que la Madone nous protège, mais j'ai bien peur que nous ne partions tous avec tout le morceau! »

« Nous allions lentement, prudemment. Les guides creusaient la neige à grands coups de piolet, essayant d'atteindre la couche glacée du dessous. Tout à coup derrière nous retentit un formidable craquement. En queue de colonne, quelques étourdis avaient essayé de marcher en dehors des traces profondément creusées. Cela avait suffi. En une seconde une trombe de neige glissait avec un bruit horrible, nous jetant violemment les deux guides et moi sur la droite, la corde rompue, heureusement pour nous. Tout cela dégringola le long du rocher jusqu'au glacier.... Puis ce fut le silence, après le decrescendo affaibli des échos d'alentour. Nous étions huit survivants.... »

Autre forme également; dangereuse de l'obstacle constitué par la neige: sur les pentes inclinées, recouvertes de neige durcie, soin à craindre les glissades qui peuvent aboutir à des à-pic. La neige « à verglas » se présente souvent aux hautes altitudes: pour franchir les plaines de neige qui se présentent ainsi, il faut marcher à la corde, la corde tendue, et tailler des marches à coups de piolet, absolument aniline font les alpinistes en excursion sur les glaciers.

 

Rafales de Vent Brouillards Glacés

Et le général Hiver dispose encore d'autres aides de camp que la neige et le froïd.

Le vent, dans la haute montagne en hiver, est également pour lui un terrible auxiliaire, et cela parce1 qu'il est l'allié du froid, dont il accentue les effets en activant l'évaporation des surfaces de la beau exposées à l'air. Chacun a constaté combien le temps —- 2 et du vent semble plus froid avec qu'avec — 10 . sans aucun vent.

De plus, les rafales de verit atteignent en montagne une violence inouïe; elles peuvent renverser un homme. N'a-t-on pas raconté qu'une section de bersajjliers avait deux heures pour franchir une crête étroite ut longue de 150 mètres, dans les environs du Monté-Nero, en fin septembre dernier, à cause d'un vent de sud-ouest épouvantable?

Et le brouillard! Un camarade du ... bataillon de chasseurs alpins m'a raconté s'être égaré avec 200 hommes de renfort en décembre 1914, alors qu'il était chargé de les conduire du dépôt au front, en première ligne:

«Vus.à travers le brouillard, les objets subissent des déformations considérables et deviennent gigantesques: un petit rocher devient immense et ressemble à une maison. La limite entre le terrain et le brouillard n'est plus perceptible, on marche à l'aveuglette dans une sorte de buée laiteuse, hallucinante. Le guide qu'on m'avait donné à l'état- major de la division, pour nous conduire aux tranchées, me déclara au bout d'un kilomètre ne plus savoir où il était. Dans la crainte de tomber à l'irnproviste sur les tranchées allemandes, nous dûmes rebrousser chemin. Nous avons mis deux heures à retrouver la route du quartier général. Nous avons, mis quatre heures, avec trois nouveaux guides qui faisaient la route aller et retour plusieurs fois par jour, pour rejoindre le poste de commandement du chef de bataillon. Il faut, en temps ordinaire, à peine une heure et demie de marche pour accomplir le trajet. »

Qu'on songe à ce que doit être le brouillard dans les Alpes! La crainte de s'égarer, l'aspect bizarre du paysage deviné, l'appréhension du danger mystérieux, du précipice inattendu, le sentiment de ne plus savoir où l'on est, de ne pouvoir même plus, par conséquent, revenir sur ses pas, tout cela produit vite une sorte d'effroi réflexe. Si le terrain est par-dessus le marché difficile, s'il comporte le franchissement de neige- verglas, de glaciers, de crevasses, à quelles catastrophes n'est-on pas exposé !

Nous arrivons enfin aux tourmentes, aux orages, si fréquents aux hautes altitudes. Ce sont tous les éléments dont nous venons de parler, en esquissant la lutte des hommes contre eux, froid, neige, vent, brouillard, qui se ruent à travers l'atmosphère en poussées furieuses.

Le baromètre baisse brusquement. A l'horizon se forme un petit nuage caractéristique d'un gris sale. Ce nuage augmente rapidement, envahit tout le ciel jaunâtre, le vent fraîchit, se lève, augmente; soudain tout disparaît autour de la colonne noyée dans un épais brouillard, que l'on a vu accourir par larges bandes effilochées. Cependant l'ouragan continue à croître en intensité. Le vent déracine les sapins qui s'abattent avec fracas. des avalanches roulent partout avec un bruit terrible: en peu d'instants les vêtements sont transpercés, vous éprouvez un froid intense qui peut devenir mortel. Malheur à la troupe surprise en hiver par une tourmente! Elle est pour ainsi dire vouée à la destruction totale.

 

Des Positions Formidables

Selon Baraguey d’aillieurs, la guerre de montagnes est la pierre de touche des généraux habiles. Qu'on songe en efifct à ce que peuvent être des combats livrés dans ces conditions à 2700 et à 3000 mètres d'altitude, alors que, même en été, pareille guerre, si haut, est un tour de force.

Avant tout, il faut avoir des notions très précises sur les divers théâtres d'opérations. C'est ce que la France, avant la guerre, a étudié dans les Alpes et les Vosges, l'Italie dans les Alpes encore, du Trentin à l'Adriatique; c'est enfin la connaissance minutieuse que possède admirablement l'armée serbo-monténégrine.

Toutefois, en haute montagne comme en plaine, la guerre a pris actuellement la forme « guerre de positions ». C'est qu'en effet, plus que partout ailleurs, on trouve des « positions » en montagne. Les difficultés colossales dont nous venons de parler sont 99 fois sur 100 les fidèles alliées de celui qui reste sur la défensive.

Viollet-le-Duc, dans son ouvrage: ‘Un mot sur la guerre en montagne’, était un précurseur en écrivant: « En montagne, le succès est au premier occupant; 50 hommes dans une position dominante feront plus que 500 dans une position médiocre et dominée. »

C'est exact, et cela nous explique pourquoi nos succès dans les Vosges sont insignifiants, comparés aux offensives heureuses sur l'Yser, en Artois, en Artois encore et en Champagne pourquoi les succès des Italiens leur ont donné une étroite bande de terrain parallèle à leur frontière, et pourquoi ils progressent avec une lenteur qui énerve trop de gens irréfléchis, ne voulant ou ne pouvant pas se rendre compte de la situation particulière imposée par le terrain à l'armée de la nation sœur. La guerre en montagne ne peut être, surtout en hiver, qu'un théâtre d'opérations secondaires.

 

Vertigineuses. Escalades

Un pays montagneux est composé de vallées profondes et de crêtes, reliées entre elles par des versants, et orientées généralement de toutes façons par rapport au front à tenir en première ligne.

Étant donnée la puissance de l'armement aujourd'hui, ce sont évidemment les crêtes et les sommets qui sont tactiquement les points les plus importants à conserver ou à con quérir. Que cherchent les Italiens à Gorizia pour prendre la place? A enlever successivement toutes les hauteurs qui encerclent la ville, tapie au fond de la vallée. Pourquoi, à l'heure où nous écrivons. Gorizia n'est-il pas encore pris? Parce que tous les sommets qui l'entourent ne sont pas encore entre les mains des .Italiens. Pourtant, que d'efforts n'accomplissent-ils pas, depuis qu'ils ont réussi à approcher la désormais célèbre place forte! La hauteur la plus au-sud dominant celle-ci est dénommée Monte- Calverio. De ce sommet, le canon peut commander deux routes qui servaient aux Autrichiens, dans la vallée de l'Isonzo, à renforcer et à ravitailler les troupes de la défense. Un médecin italien, raconte comment l'attiique fut combinée. Un détachement alpin devait, à la faveur du brouillard, tenter sur le flanc de la position l'escalade d'un à- pic jugé infranchissable, tandis que les tranchées autrichiennes seraient prises de front par l'assaut furieux d'une brigade d'infanterie. La préparation d'artillerie dura trente-six heures.

Pendant ce temps les alpins étaient parvenus, de nuit, à pied d'oeuvre. Un brouillard épais noyait la vallée de l'Isonzo; seuls quelques sommets plus élevés émergeaient comme des îlots abrupts à la surface d'une mer laiteuse. Le bombardement des gros mortiers cessa subitement et, à l'heure dite, nos alliés s'élancèrent. Aussitôt les tranchées ennemies se garnirent de fusils, les mitrailleuses entrèrent en action, indice certain de l'insuffisance de la préparation — en Champagne celle-ci durera soixante- douze heures et fut tout juste au point nécessaire. — Mais, au moment où les troupes d'assaut tourbillonnaient sur place, comme indécises dans la rafale soudaine, les « Diables Bleus » d'Italie, parvenus au sommet de leur rocher au prix d'efforts incroyables, s'élançaient à leur tour, tandis qu'une section de mitrailleuses de montagne réussissait même à installer une pièce, hissée au moyen d'une corde, au dernier moment. L'eSet de surprise sur un de ses flancs a été de tout temps un moyen infaillible pour faire reculer l'adversaire. Pris en ccharpe par l'infernale machine, attaqués avec furie sur l'aile et sur le front, les Autrichiens à leur tour y débandèrent, et la cime du Monte-Calverio put devenir ainsi un des maillons nouveaux de la chaîne lentement serrée autour de Gorizia.

Les contre-attaques répétées des Autrichiens-sur ce point montrent combien les Italiens les gênent, empêchant, toute communication de jour dans la vallée.

Pourquoi tous ces combats à l'Hartmannsweilerkopi? Parce que ce piton domine les positions allemandes et la plaine d'Alsace, et qu'ainsi il gène énormément les Allemands, puisque son artillerie peut interdire tout mouvement de troupes, tout ravitaillement et toute liaison, au moins le jour.

Après les crêtes, les vallées de grande communication, je veux dire par là les vallées qui, soit naturellement, soit par des cols faciles à franchir, sont reliées directement au réseau des diverses voies de communication de la zone de l'intérieur, constituent autant d'artères vitales pour l'armée combattante et sont par conséquent les plus utiles à solidement tenir.

Un barrage de tranchées bien faites, avec seconde et troisième ligne de défense constituées à l'avance, sera donc le moyen employé avec les procédés bien connus de tous actuellement.

Enïin les versants reliant crêtes et vallée peuvent également avoir de l'importance. Tout dépendra de leur pente. Plus celle-ci sera forte,.plus cette importance diminuera. N'oubljons pas toutefois le mot déjà cité de Napoléon à Macdonald, et celui de Frédéric II, roi de Prusse, qui le renforce: « Partout où passe une chèvre, passera un soldat! »

Ainsi, on peut réaliser sur les.versants une certaine économie des forces, mais à la condition d'être très prudent, en estimant quelles sont les zones de terrain réellement infranchissables pour l'ennemi le plus hardi et le plus entreprenant. C'est pour avoir mal jugé de la valeur des Italiens comme alpinistes que dans le Haut-Cordevole, au début d'octobre dernier, les Autrichiens ont perdu un de leurs fortins avancés, puissamment fortifié pourtant. Voici dans quelles circonstances.

La redoute autrichienne avait été construite à l'ouest du plateau. Tranchées couvertes, abris blindés, canons et mitrailleuses, réseaux de fil de fer et chevaux de frise, rien n'y manquait. Tandis qu'à l'est elle se reliait par des boyaux .de communication aux tranchées qui zigzaguaient au travers d'une large croupe, à l'ouest elle dominait la vallée. Le versant formant un à-pic de 200 mètres environ, comme ils le jugeaient infranchissable, les Autrichiens n'avaient construit aucune fortification permanente de ce côté.

Ayant constaté l'état de choses, les Italiens résolurent de tenter un coup de main hardi sur lu position. Ils choisirent donc uni-nuit sans lune. Il pleuvait et des nuages bas s'effilochaient sur les flancs de la montagne. Une vingtaine de .montagnards volontaires tentèrent la chance. Prudemment, silencieusement ils grimpèrent. Collés au roc cherchant des prises, fixant des crampons, s'aidant de la corde, exécutant des rétablissements prodigieux, ils montèrent, insensibles au froid, au vertige, à la peur. Ils mirent environ dix heures pour s'élever de 200 métrés. Mais au petit jour, ils étaient arrivés dans le fortin autrichien lui-même sans avoir été vus, sans avoir été entendus, le mauvais temps aidant.

Silencieusement toujours, la baïonnette à la main, ils commencèrent le massacre dans la nuit noire: officiers dans leurs abris, sentinelles qui ne pouvaient pas se méfier de ces ombres cjui venaient derrière elles dans la tranchée.... Mais l'alarme fut donnée malgré tout, car on n'égorge pas sans bruit. Il était trop tard. Une brève clameur, quelques coups de fusil et de revolver, et la place était prise. Il n'y eut qu'à couper les fils de fer à la cisaille, tranquillement, debout, à creuser un boyau de communication reliant le fortin autrichien aux tranchées italiennes, puis : enfin à retourner les tranchées: 2 canons, 6 mitrailleuses, 150 prisonniers, tel était le butin conquis par 20 hommes énergiques et décidés à tout.

Dans la défense des versants, les tranchées ne sont généralement pas continues. Il suffit le plus souvent d'occuper avec, de forts ouvrages les contreforts montagneux secondaires, les éperons, les chemins, les parties de terrain praticables. Ces ouvrages d'infanterie se commanderont les uns les autres, et tnêlne pourront croiser leurs feux d'un bord de la vallée, à l'autre.

Nous venons de voir quels obstacles vraiment colossaux les années combattantes rencontrent en montagne pendant l'hiver. Ce sont eux qu'ont â vraincre nus soldats- montagnards des Vosges, nos alliés les Italiens, qu'on ne critiquera plus à tort et à travers, les héroïques Serbes enfin.

Comme les troupes qui combattent dans la plaine, ils ont à subir toutes les horreurs de la guerre. Les « marmites » sont aussi abondantes en montagne qu'en plaine; les mitrailleuses, les fusils, les grenades, les torpilles aériennes, on en a aussi, on se tue également avec. Mais, en plus de tout cela, il y a la montagne, le climat, la nature entière coalisée contre l'homme, ceux qui connaissent la montagne, savent qu'elle est cruelle comme la mer!

Honneur donc à nos vaillants alpins, à nos chasseurs à pied, immortels depuis Sidi- lîrahim, immortalisés encore dans cette guerre cruelle sous le nom de «Diables Bleus », honneur à eux, dont l'écho de la montagne tragiquement drapée de neige réputé fièrement la marche entraînante :

Francs chasseurs, hardis compagnons, Voici venir le jour de gloire. Entendez l'appel du clairon? Qui vous présage la victoire. Volez, intrépides soldats, La France est là qui vous regarde. Quand sonne l'heure du combat Votre place est à l'avant-garde!

 

 

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