de la revue 'Le Monde Illustré' No. 3168, 7 septembre 1918
'Une Oeuvre de Préservation Morale au Front'

la Section de Miss Lowther

 

Un grand quotidien donnait il y a quelques jours le récit d'une remise de croix de guerre, faite solennellement, au front, à 6 jeunes filles anglaises, conductrices volontaires d'une section sanitaire.

C'est la section de Miss Lowther.

Ce service d'évacuation de nos blessés ne marque qu'un coté de l'œuvre considérable entreprise depuis près de 4 ans par une Anglaise dévouée à la France, Miss Hackett.

Cette œuvre considérable a pour but l'assistance généreuse pour tous, d'abord, mais elle a surtout pour effet cette chose essentielle qu'est la préservation morale des soldats.

Miss Hackett a recruté parmi ses amies de la haute société anglaise, et américaine aussi, celles dont le cœur et la charité lui étaient acquis. Et toutes ensemble se sont adonnées à un apostolat laïque.

Cette mission ne va pas sans de grosses dépenses, des mises de fond considérables auxquelles elles subviennent, sans que les soldats qui frappent à leur porte aient jamais à débourser quoi que ce soit.

L'argent trouvé et l'avenir de l'œuvre assuré, il fallait l'employer. Miss Hackett créa des « cantines » avec l'idée que ces cantines devaient offrir aux soldats autre chose que les ressources alimentaires d'une coopérative. On se mit d'accord avec le commandement, pour choisir les installations dans le secteur des armées. Ces installations furent tour à tour brillantes à Compiègne, par exemple, modestes à Cugny en pleine zone avant.

L'essentiel était que l'on pût installer ce qu'il fallait: et cela consistait en des salles de jeu, de lecture et de correspondance.

Les soldats devaient y trouver des uvres, des revues, du papier à lettres, des jeux, du café, du tabac, des leçons d'anglais, des concerts et le rare privilège d'un échange.

Car dans l'esprit des organisatrices, ces cantines sont des « foyers du soldat » mais perfectionnés, où il existe une âme. Ce ne sont pas seulement des casinos, mais de véritables familles d'adoption. Il y a un échange d'idées entre les dames anglaises qui les ont créés et les hommes.

Un fait est remarquable déjà: 5 à 600 hommes fréquentent actuellement la cantine; ils y font tous leur correspondance. Certains soirs, il y a des courriers de 500 lettres!

Les lectures les plus recherchées par les hommes varient, selon l'arme à laquelle ils appartiennent et leur âge.

Les jeux réservés sont les plus goûtés: le jeu d'échec les dominos, le jacquet. On joue aux cartes, mais guère au poker. C'est l'éternelle manille des cercles militaires.

Le dimanche on y entend de fort beaux concerts.

Telles sont les distractions.

Le côté utile de la fréquentation est assuré encore par des leçons d'anglais. Les résultats en sont surprenants, car bien des élèves écrivent en anglais à leurs anciens maîtres.

Enfin il y a tous les soirs distribution de café de 7 à 8 heures, après la soupe; et un dépôt de tabac, qui consiste en un grand pot ou chacun puise; or, pas un des hommes ne prend de provisions, malgré les difficultés de son ravitaillement personnel.

Telle est l'œuvre principale de soutien moral de la troupe, créée par Miss Hackett.

 

 

Il s'en est détaché voici quelques mois cette section sanitaire qui vient d'être à l'honneur, sous la direction de la principale associée de Miss Hackett, Miss Lowther.

Miss Lowther ne porte pas un nom inconnu aux Parisiens; elle fut avant la guerre déjà la championne de l'Angleterre dans les tournois d'armes. C'est une pensée agissante, une femme d'action et d'une énergie surprenante. Elle est le chef valeureux d'une section qui compte 10 citations, et qui la première de toutes obtint le privilège de faire peindre sur les caisses de ses carrosseries les emblèmes de la croix de guerre.

Mais l'activité de ces femmes de bien ne s'est pas arrêtée là. D'une part, l'organisation de ces foyers, et leur influence s'étendent de jour en jour. On est en train de créer des bibliothèques roulantes qui iront jusqu'aux postes avancés de première ligne y porter des Uvres, ou du papier à lettres, ou du tabac.

On espère même créer un véritable foyer roulant, qui donnera aux efforts de Miss Hackett les bienfaits de l'ubiquité.

D'autre part l'initiative de Miss Hackett a été contagieuse. Il se détache du groupe dont elle reste le chef, des sections animées de son esprit d'abnégation. Mme la Vicomtesse de Bréteuil vient ainsi d'ouvrir un nouveau foyer; demain dans une petite ville du front Mme Mary Mather, une jeune Américaine dont le rare charme traduit la bonté, va se mettre à la tête d'une nouvelle section.

Ces dévouements sont touchants. Le Commandement a su témoigner à ces femmes le gré de la France. Dès octobre 1916, Miss Hackett était citée à l'ordre du 13e C. A. dans les termes suivants: « a montré depuis près de 2 ans, un inlassable dévouement à nos blessés et à nos malades; s'est particulièrement signalée au cours des bombardements d'une localité et n'a pas cessé de donner aux victimes des soins empressés ».

 

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