- de la revue belge Le Patriote Illustrée no. 13 de 36ieme année de 28 mars 1920
- 'Le Caporal Tresignies'
Le Heros de Pont-Brulé. 26 Aout 1914
Une croix modeste, à Eppeghem, avec un nom, une date: c'est la tombe d'un des plus nobles héros de l'armée belge, le caporal Tresignies.
Sa mort remonte aux sombres jours de 1914; on voyait encore fumer les décombres de Louvain, l'exode lamentable des réfugiés encombrait les routes. L'ennemi marchait « nach Paris » et tendait, devant l'armée belge repliée sur le réduit national d'Anvers, un rideau de troupes formé par deux corps d'armée; les Allemands se déployaient sur la ligne Merchtem-Wolverthem - Humbeek - Eppeghem - Hofstade - Haecht-Wijgmael - Kessel-Loo, entre Malines, d'une part, Bruxelles et Louvain, d'autre part. Le 2e chasseurs à pied, dont faisait partie Tresignies, fit le coup de feu à Eppeghem; le IIIe bataillon, celui de l'héroïque caporal, montait la garde sur la rive gauche du canal, au hameau dit Pont-Brûlé. C'est l'heure glorieuse, mais tragique, de la première sortie d'Anvers. A l'aube du 26 août 1914, la compagnie du caporal Tresignies reçoit l'ordre d'envoyer un peloton sur la rive droite du canal de Willebroeck. Les Allemands sont déployés en face, ils tiennent sous leur feu le pont, unique passage d'une rive à l'autre, et le pont a été a moitié levé par eux. Spontanément, le caporal Tresignies s'offre à son commandant, le capitaine Hellin, pour aller manoeuvrer le pont-bascule. Calme, mais résolu, le vaillant chasseur se débarrasse de son shako, de son sac, de sa capote, griffonne un mot sur un bout de papier qu'il remet à son sergent en lui disant: « C'est pour les miens, si je ne reviens pas. » Et il s'en va, plonge, atteint l'autre rive à la nage.Ses camarades, qui le suivent anxieusement des yeux, le voient s'atteler à la manoeuvre, mais le pont se relève au lieu de retomber. « Dans l'autre sens », lui crient les chasseurs restés dans la tranchée. Et il se met à tourner dans l'autre sens, mais les cris ont donné l'éveil aux Allemands; fusils et mitrailleuses font pleuvoir les balles sur l'héroïque chasseur, qui tombe mortellement frappé.
Pour cet acte de courage, pour ce sacrifice de sa vie, le caporal Tresignies fut cité à l'ordre du jour de l'armée le 15 septembre 1914. Un monument digne de son bel héroïsme sera prochainement édifié sur la rive du canal.
Pierre-Joseph Tresignies naquit à Bierghes, entre Enghien et Hal, le 26 mars 1886. Le tirage au sort en fit un soldat, et c'est au 2e chasseurs à pied, en garnison à Mons, qu'il revêtit l'uniforme et fit l'apprentissage des armes. En souvenir de cette glorieuse recrue, la caserne des chasseurs à pied, à Mons, s'appellera désormais Caserne Tresignies. Au moment de la mobilisation, Pierre-Joseph Tresignies, ouvrier au chemin de fer, habitait, avec sa femme et son jeune enfant, rue du Dries, ne 5, à Forest-lez-Bruxelles.
après la guerre